Violences de masse, autocensure et web diasporique : Quand l’enquête de terrain nous confronte à la question du positionnement en ligne

Léo Maillet  

Abstract

Le fait d’enquêter auprès de populations confrontées à des violences de masse, a fortiori lorsque ces dernières sont commises en situation coloniale, soulève des enjeux éthiques et méthodologiques qui nécessitent de faire preuve de réflexivité. À partir de l’enquête de terrain que j’ai réalisée auprès de la diaspora ouïghoure d’Istanbul entre 2021 et 2023 dans le cadre de ma thèse de doctorat sur la boulangerie ouïghoure, je propose d’interroger ces enjeux en me concentrant sur la question des représentations. Dans le cadre de cet article, je montre comment les personnes que j’ai rencontrées sur le terrain m’ont non-seulement confronté à la question des représentations que je produis en tant que chercheur, mais aussi à celle de mon propre positionnement en ligne vis-à-vis des violences de masse auxquelles elles sont confrontées dans leur localité d’origine.

Conducting research among populations affected by mass violence, especially when such violence takes place in colonial contexts, raises ethical and methodological challenges that require reflexivity. Drawing on fieldwork conducted among the Uyghur diaspora of Istanbul between 2021 and 2023 for my PhD on Uyghur bread-making, I propose to address these challenges by examining the question of representation. In this article, I show how the people I met in the field confronted me not only with the issue of the representations I produce, as a researcher, but also with my own online positioning regarding the mass violence they are facing in their homeland.

Il est environ 08h00 quand nous prenons la première pause de la journée après avoir terminé une fournée de naans blancs (aq nan) qui trônent maintenant sur les étagères de la boulangerie. Le maître-boulanger (naway usta) attrape un naan encore chaud et le rompt en plusieurs morceaux qu’il nous distribue, à l’apprenti et à moi, alors que nous buvons les premières gorgées de thé noir qui accompagnent notre petit déjeuner quotidien. Pendant que nous mangeons, le maître écoute des messages vocaux sur WhatsApp et fait défiler le fil d’actualités de son profil Facebook.

En plus d’utiliser leur smartphone pour s’informer sur la situation au pays (weten) et dans le reste du monde, les boulanger·ère·x·s ouïghour·e·x·s1 d’Istanbul s’en servent aussi pour lutter contre la monotonie du travail en regardant des vidéos, des reportages et des séries, ou en écoutant de la musique, des émissions de radio, des sermons religieux ou des livres audios. Pendant les deux mois que j’ai passés à travailler en tant qu’apprenti (shagért) dans cette boulangerie ouïghoure d’Istanbul, j’ai été frappé par l’importance accordée à l’utilisation du smartphone sur le lieu de travail. Cet apprentissage a été effectué dans le cadre de ma thèse de doctorat en études chinoises et politiques qui porte sur les dimensions sociopolitiques de la pratique et de la transmission de la boulangerie ouïghoure au Turkestan oriental/Région autonome ouïghoure du Xinjiang2.

Dans le cadre de cet article, je propose de montrer en quoi les questions liées aux violences de masse, aux représentations des Ouïghour·e·x·s véhiculées par les autorités chinoises et à l’impact psychologique qu’elles ont sur les personnes concernées font partie intégrante de leur «problématique diasporique» (Trémon 2012). À partir de situations ethnographiques tirées des cinq mois d’enquête, dont deux mois d’apprentissage, que j’ai réalisés auprès des boulangères et boulangers ouïghour·e·x·s d’Istanbul entre 2021 et 2023, je vais tenter d’esquisser des pistes de réflexion sur la question du positionnement en ligne en tant que chercheur enquêtant auprès d’une diaspora confrontée à des violences de masse dans sa localité d’origine3. Pour reprendre la formule de Didier Fassin, la réflexivité que je vais essayer de mettre en place dans cet article ne cherche «[…] pas à poser un regard sur l’expérience intime de l’ethnographe pour en décrire les états d’âme, mais vise avant tout à mieux comprendre celles et ceux dont nous parlons» (Fassin et Bensa 2008, 9).

Violences de masse et web diasporique

Lors de la pause matinale dont chacun profite pour consulter les réseaux sociaux, le maître-boulanger s’approche de moi pour me montrer une vidéo qu’il vient de recevoir via un groupe WhatsApp. Il s’agit d’une vidéo prise en mode capture d’écran montrant le contenu d’une conversation de groupe sur l’application chinoise de messagerie WeChat (Chin. weixin) au début du mois de septembre 2022. La conversation en question est celle d’un groupe de résident·e·x·s de la ville de Ghulja qui compte 120 membres. Dans plusieurs messages vocaux et vidéos, une résidente alerte les autorités locales sur la situation critique de ses enfants qui n’ont pas mangé depuis plusieurs jours et gisent inconscient·e·x·s chez elle. En réponse à ses plaintes, elle reçoit un message texte rédigé en ouïghour par l’une des personnes référentes des autorités locales de son quartier : «Ceci n’est pas quelque chose qui arrive seulement à notre rue, c’est quelque chose qui arrive à toute la population de la ville de Ghulja, le plus gros est derrière nous, persévérons4».

Dans les vidéos envoyées par la résidente alertant sur la situation de sa famille, on voit une femme, un homme et trois enfants allongé·e·x·s dans la même pièce d’un appartement et vraisemblablement inconscient·e·x·s. Pendant qu’elle les filme, leur mère s’écrie d’un ton paniqué : «Ce ne sont pas des pierres, pas des pierres ! Ce sont des humains ! […] Mon enfant va mourir ! Les enfants de mon enfant vont mourir5 !». Une fois la vidéo terminée, le maître-boulanger me montre une autre vidéo dans laquelle un père de famille, lui-aussi résident de Ghulja, filme l’intérieur vide de son réfrigérateur ainsi que ses enfants assis devant une table vide, en s’exclamant d’un ton désespéré que sa famille n’a rien mangé depuis trois jours. Comme la femme de la vidéo précédente, cet homme s’adresse aux cadres (kadir) du bureau du Parti communiste chinois (PCC) de son district afin de les alerter sur la situation de sa famille qui est en train de mourir de faim. Après celle-ci, l’artisan me montre une troisième vidéo dans laquelle on voit une femme se suicider en sautant de son immeuble sous les cris lancinants de ses voisin·e·x·s. Une fois les vidéos terminées, le maître-boulanger commente en soupirant : «Il y a beaucoup d’oppression au pays…» (wetende köp zulum bar).

Comme les autres membres de la diaspora ouïghoure, il assiste via les réseaux sociaux au déroulement de la famine qui frappe la ville de Ghulja entre les mois d’août et de septembre 2022. Suite à l’application d’un confinement total dans le cadre de la politique chinoise du «zéro covid», le verrouillage depuis l’extérieur d’un grand nombre de logements combiné à des ruptures d’approvisionnement en nourriture ont conduit au décès d’un nombre inconnu de personnes (Al-Jazeera 2022). Selon les témoignages recueillis par le service ouïghour de Radio Free Asia, 22 personnes seraient décédées en un seul jour dans la ville de Ghulja (Hoshur 2022a). La famine a suscité des révoltes rassemblant plusieurs centaines de personnes, dont 617 ont été arrêtées et placées en détention pour avoir manifesté publiquement leur mécontentement dans les rues de leur quartier (Hoshur 2022b).

Depuis 2016, les Ouïghour·e·x·s ont connu une augmentation exponentielle du niveau de répression policière et militaire dans leur région, avec la mise en place de politiques d’incarcération de masse, de rééducation politique, de travail forcé, de prévention des naissances et de sinisation de la société ouïghoure (Smith Finley 2020 ; Zenz 2019 ; Clarke 2022 ; Byler, Franceschini, et Loubere 2022). Depuis 2019, ces violences de masses sont qualifiées de génocidaires par un nombre croissant d’universitaires ouïghour·e·x·s et de spécialistes de la région ou de la jurisprudence internationale en matière de génocide et de crimes contre l’humanité (Rosenberg et Zenz 2021 ; Hart 2022 ; Tobin 2022 ; Smith Finley 2020 ; Ala 2021 ; Reyhan 2021).

L’impact des violences de masse sur la diaspora et la question des représentations

Comme la plupart des autres commerçant·e·x·s ouïghour·e·x·s du quartier, les propriétaires de la boulangerie où j’ai effectué mon apprentissage s’informent quotidiennement sur la situation au pays et entretiennent un réseau de connaissances et de sociabilités majoritairement ancrées dans le «web diasporique ouïghour» (Reyhan 2017). Du fait de l’interdiction d’utiliser en Chine la plupart des applications de messagerie et les réseaux sociaux étrangers, seule l’utilisation d’applications chinoises permet de rester en contact avec la famille restée au pays. Néanmoins, c’est uniquement le cas lorsque celle-ci est encore autorisée à le faire, le début de la campagne d’internement de masse à la fin de l’année 2016 ayant amplifié un processus de rupture contrainte des liens numériques entre les familles ouïghoures et leurs proches résidant à l’étranger (Ala 2021, 5).

Pour la diaspora ouïghoure, les informations et les images fuitant de la région depuis 2016 sont extrêmement difficiles à supporter et s’ajoutent au «trauma colonial» (Lazali 2018) qui affecte déjà cette population (Ala 2021, 17-19). Dans un tel contexte, ne pas pouvoir prendre des nouvelles de ses proches et rester dans l’incertitude totale vis-à-vis de leur état de santé est une cause importante de dépression et de troubles psychologiques alimentés par la culpabilité, la honte et le sentiment d’impuissance (Ala 2021, 32-35, 65-66). Par empathie, j’ai ressenti le poids que cette forme particulière de «quotidien traumatique» (Kidron 2009) faisait porter aux propriétaires de la boulangerie ainsi qu’aux autres personnes ouïghoures que je rencontrais. Ce faisant, je me suis mis à ressentir un mélange de culpabilité, de honte et de sentiment d’impuissance reconfigurant «les frontières considérées comme allant de soi entre ce que signifie être sur le terrain et être chez soi» (Sepulveda Sanchez et al. 2021, 24).

D’autre part, les accusations de terrorisme régulièrement formulées à l’encontre des ouïghour·e·x·s de la diaspora constituent un stigmate qui a pour effet de dépolitiser toute forme de dénonciation et de lutte contre les violences de masse perpétrées par les autorités chinoises à l’encontre du peuple ouïghour (Roberts 2020 ; Rodríguez-Merino 2023). Parallèlement à ces accusations, les autorités chinoises ont mis en place des politiques de surveillance, d’intimidation et parfois d’agressions physiques et d’extradition forcées vis-à-vis des membres de la diaspora ouïghoure dans le monde entier (Jardine, Lemon et Hall 2021). Pendant mon enquête à Istanbul, la plupart de mes rencontres ont été marquées par deux questions qui revenaient régulièrement au moment des présentations : «Que pensez-vous des Ouïghour·e·x·s?» (uyghurlargha qandaq qaraysiz ?) ; «Selon vous, est-ce que les Ouïghour·e·x·s sont des terroristes ?» (sizge nispeten uyghurlar térrorchi mu ?). Au début, je répondais à ces questions assez rapidement en disant que j’adorais la musique, la littérature et la cuisine ouïghoures et que je pensais qu’aucun peuple ne pouvait être qualifié de terroriste. Comprenant peu à peu que mes réponses étaient trop courtes et naïves au regard de la situation, je me suis mis à élaborer au fil des rencontres en donnant une version plus complète de mon opinion, à savoir que le peuple ouïghour est confronté à une «colonisation» (mustemlikichilik) par la RPC et que les politiques mises en place à partir de 2017 sont des politiques génocidaires (irqiy qirghinchiliqiy siyasetler).

Pour autant, le fait que je prenne position en privé, sans avoir de profil sur les réseaux sociaux ni d’interviews ou de publications pour témoigner de mon positionnement, laissait planer un doute. Étais-je bien venu à Istanbul pour y faire ce que je disais être en train de faire ? Quelles seraient mes prises de position publiques sur la situation dans leur région d’origine ? Mes recherches allaient-elles contribuer à renforcer le stigmate véhiculé par les autorités chinoises selon lequel la diaspora ouïghoure est principalement composée de terroristes ? À l’instar d’un grand nombre de chercheur∙euse∙x·s travaillant sur la situation contemporaine en RPC, exprimer mon positionnement publiquement pouvait mettre en danger les personnes avec qui j’étais entré en contact sur place et m’exposait au risque de ne plus pouvoir obtenir de visa pour y retourner (Erie, Joniak-Lüthi et Leibold 2020). En réaction, je me suis efforcé de ne pas apparaître en ligne avec des Ouïghour·e·x·s de la diaspora et à ne pas publier mes travaux afin de préserver mon anonymat le plus longtemps possible. Malgré ces efforts, une publication inattendue sur les réseaux sociaux a bousculé mes choix d’autocensure.

Quand le web diasporique communique avec l’enquête de terrain

Au cours d’une après-midi de travail à la boulangerie, une universitaire turque accompagnée d’un collègue ouïghour se présenta à la boutique pour acheter du naan. Comme j’étais en poste à la vente à ce moment-là, elle fut surprise de tomber sur un Européen travaillant dans une boulangerie ouïghoure et me demanda si elle pouvait me prendre en photo, ce que j’acceptais. Après un court échange au cours duquel je me suis présenté comme un doctorant en sciences sociales écrivant sa thèse sur la boulangerie ouïghoure, elle s’en alla. Le lendemain, je reçus plusieurs messages d’ami·e·x·s ouïghour·e·x·s me prévenant que quelqu’un avait publié la veille un post Facebook avec des photos de moi en train de travailler à la boulangerie. En moins d’une journée, le post avait recueilli plusieurs centaines de likes et des dizaines de commentaires. Ajouté à cela, un autre post décrivant mon profil et mon travail avait été publié par une amie ouïghoure qui avait vu cette publication et avait décidé d’y ajouter la sienne. Contactée par la journaliste ouïghoure Gulchehra Hoja, du service ouïghour du média en ligne Radio Free Asia, mon amie lui avait donné mon numéro de téléphone et je reçus dans la foulée une demande d’interview.

Comprenant qu’il était trop tard pour continuer d’essayer de préserver mon anonymat en ligne, je choisi d’accepter l’interview afin de pouvoir choisir les termes de ma (re)présentation. Je m’y suis donc présenté comme un chercheur en sciences sociales (ijtima’i penler tetqiqatchi) inscrit en doctorat à l’université de Genève sur le thème de la «culture ouïghoure du naan» (uyghur nanmedeniyiti) et de «la place du naan dans la vie sociale des Ouïghour∙e∙x·s en migration»6 (muhajirettiki uyghurlarning ijtima’i turmushidiki nanningorni) (Gülchéhre 2022). Après cela, j’ai décidé de commencer à communiquer publiquement mes travaux sans éviter d’aborder explicitement la colonisation chinoise du Turkestan oriental et les violences génocidaires mises en place à l’encontre du peuple ouïghour depuis 2016.

Plutôt qu’un imprévu déstabilisant, cette situation s’est finalement avérée être une injonction à la réflexivité et à la remise en question des mécanismes de silenciation induits par les menaces que font peser les autorités de la RPC sur les libertés académiques, en Chine comme à l’étranger (Thum et al. 2018). En tant que chercheur européen, je me trouve dans une situation de privilège et de pouvoir qui engage ma responsabilité. Situation de privilège car, à l’inverse des membres de la diaspora ouïghoure globale, le fait d’être citoyen européen me permet de jouir d’une importante liberté de circulation et de me rendre en RPC sans courir le risque d’être interné sur simple décision administrative. En cela, nos interactions sont révélatrices de «l’immoralité de notre régime moral global» (Monsutti 2018, 450). Quant à la question du pouvoir, elle réside dans mon rôle de chercheur, lequel me conduit à produire des représentations qui peuvent contribuer à renforcer les stigmates qui affectent les personnes avec lesquelles j’ai conduit mon enquête et ainsi à les maintenir dans une position de subalternité (Clifford et Marcus 2008 ; Fassin et Bensa 2008).

En me posant non seulement la question de leur représentation, mais aussi celle de ma propre représentation et de mes recherches, les personnes que j’ai rencontrées dans les boulangeries ouïghoures d’Istanbul m’ont mis face à cette double responsabilité : pouvoir répondre publiquement à la fois des représentations que je produis et de la position que j’occupe dans l’espace social dans lequel je les produis. Or, pour reprendre les mots d’Alban Bensa:

Occuper une place dans l’espace social étudié autorise et garantit les paroles qu’on vous adresse. Une telle opportunité n’est possible que si le chercheur accepte d’être intégré avec son projet scientifique à l’univers des colonisés qui combattent la colonisation. […] Le chercheur rejoint ainsi le mouvement à la fois réflexif et actif qui comprend le passé non seulement àpartir du présent mais aussi en fonction d’un avenir qui appelle l’abolition complète du dispositif colonial et ses séquelles (Bensa, Goromoedo et Muckle 2015, 24-25).

Ainsi, ce concours de circonstances m’a permis d’occuper une place dans l’espace social de la diaspora ouïghoure globale et d’entamer un dialogue extrêmement enrichissant, tant en termes de réflexivité que de compréhension de mon sujet de recherche, avec l’un de ses principaux médias. Je suis donc reconnaissant envers la journaliste et autrice Gulchehra Hoja pour le dialogue qu’elle m’a permis d’entretenir avec elle et son audience. En définitive, c’est aussi ce dialogue qui donne du sens à l’expression «faire des recherches avec les Ouïghour·e·x·s de la diaspora».

Auteur

Léo Maillet est actuellement inscrit en doctorat en Études chinoises et en Études politiques sous la cotutelle de Laure Zhang (Université de Genève) et de Stéphane Dudoignon (CNRS – GSRL 8582). Intitulée « Rompre le naan : boulangerie ouïghoure et colonisation chinoise, 1877-2023 », sa thèse porte sur les dimensions sociopolitiques de la pratique et de la transmission des savoir-faire boulangers dans la société ouïghoure depuis les débuts de la colonisation chinoise du Turkestan oriental/Xinjiang jusqu’à nos jours. La thèse combine approches anthropologique et historique reposant sur l’analyse de matériaux ethnographiques et de sources en ouïghour, en chinois et en turc collectées lors de plusieurs enquêtes de terrain en Chine intérieure (2017, 2019) et en Turquie (2021, 2022, 2023).

maillet.leo@protonmail.com

Université de Genève

Léo Maillet is currently registered as a PhD student in Chinese studies and Political studies under the codirection of Laure Zhang (University of Geneva) and Stéphane Dudoignon (CNRS – GSRL 8582). Entitled « Breaking the Naan : Uyghur Bread-Making and Chinese Colonisation, 1877-2023 », his thesis addresses the sociopolitical dimensions of the practice and transmission of naan baking know-how in Uyghur society, from the beginning of the Chinese colonisation of East Turkestan/Xinjiang to the present. It combines anthropological and historical approaches, relying on the analysis of ethnographic materials and Uyghur, Chinese and Turkish sources collected during several fieldwork inquiries in Inner China (2017, 2019) and Türkiye (2021, 2022, 2023).

maillet.leo@protonmail.com

University of Geneva

Références

Ala, Mamtimin. 2021. Worse than Death : Reflections on the Uyghur Genocide. Lanham, Boulder, New York, Toronto, London : Hamilton Books.

Al-Jazeera. 2022. «Xinjiang Residents Complain of Hunger after 40-day COVID Lockdown» Al-Jazeera, 15 septembre 2022. https://www.aljazeera.com/news/2022/9/15/xinjiang-residents-complain-of-hunger-after-40-day-covid-lockdown.

Bensa, Alban, Kacué Yvon Goromoedo, et Adrian Muckle. 2015. Les sanglots de l’aigle pêcheur : Nouvelle-Calédonie, la guerre kanak de 1917. Collection Essais. Toulouse : Anacharsis.

Byler, Darren, Ivan Franceschini, et Nicholas Loubere, éd. 2022. Xinjiang Year Zero. Canberra : Australian National University Press.

Clarke, Michael, éd. 2022. The Xinjiang Emergency : Exploring the Causes and Consequences of China’s Mass Detention of Uyghurs. Manchester : Manchester University Press.

Clifford, James, et George E. Marcus, éd. 2008. Writing Culture : The Poetics and Politics of Ethnography. Berkeley : University of California Press.

Erie, Matthew, Agnieszka Joniak-Lüthi, et James Leibold. 2020. «Censorship and Sinology in the Era of Chinese Neo-Authoritarianism». Asian Studies Association of Australia, 11 mai 2020. https://asaa.asn.au/censorship-and-sinology-in-the-era-of-chinese-neo-authoritarianism/.

Fassin, Didier, et Alban Bensa, éd. 2008. Les politiques de l’enquête : épreuves ethnographiques. Recherches. Paris : La Découverte.

Gülchéhre. 2022. «Istanbul nawaxanisidiki fransuz naway Léo Maillet bilen söhbet». Radio Free Asia, 8 novembre 2022.

Hart, Eleanor. 2022. «Génocide ouïghour : l’émergence d’un consensus scientifique». Analyse opinion critique. https://aoc.media/analyse/2022/07/20/genocide-ouighour-lemergence-dun-consensus-scientifique/.

Hoshur, Shöhret. 2022a. «22 Die of Starvation in One Day under COVID Lockdown in Xinjiang’s Ghulja». Radio Free Asia Uyghur, 21 septembre 2022.

Hoshur, Shöhret. 2022b. «Ghulja qaradöngde achliqqa berdashliq bérelmey qamalni bösüp kochigha chiqqan 617 kishi tutqun qilinghan». Radio Free Asia Uyghur, 12 septembre 2022.

Jardine, Bradley, Edward Lemon, et Nathalie Hall. 2021. No space Left to Run : China’s Transnational Repression of Uyghurs. Washington : Uyghur Human Rights Project & The Oxus Society for Central Asian Affairs.

Kidron, Carol A. 2009. «Toward an Ethnography of Silence : The Lived Presence of the Past in the Everyday Life of Holocaust Trauma Survivors and Their Descendants in Israel». Current Anthropology 50 (1) : 5-27. https://doi.org/10.1086/595623.

Lazali, Karima. 2018. Le trauma colonial : une enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l’oppression coloniale en Algérie. Paris : La Découverte.

Millward, James. 2021. Eurasian Crossroads : a History of Xinjiang. London : Hurst & Co.

Monsutti, Alessandro. 2018. «Mobility as a Political Act». Ethnic and Racial Studies 41 (3) : 448-55. https://doi.org/10.1080/01419870.2018.1388421.

Reyhan, Dilnur. 2017. «Le rôle des TIC dans la construction des nouvelles diasporas : Le cas de la diaspora ouïghoure». PhD diss., Université de Strasbourg.

Reyhan, Dilnur. 2021. «Le génocide des Ouïgours. Aboutissement d’un projet colonial». Esprit Juillet-Août (7-8) : 161-70. https://doi.org/10.3917/espri.2107.0161.

Roberts, Sean. 2020. The War on the Uyghurs : China’s Internal Campaign Against a Muslim Minority. Princeton Studies in Muslim Politics. Princeton : Princeton University Press.

Rodríguez-Merino, Pablo A. 2023. Violence, Discourse and Politics in China’s Uyghur Region : The Terroristization of Xinjiang. Interventions. London, New York : Routledge. https://doi. org/10.4324/9781003308041.

Rosenberg, Erin, et Adrian Zenz. 2021. «Beijing Plans a Slow Genocide in Xinjiang». Foreign Policy. https://foreignpolicy.com/2021/06/08/genocide-population-xinjiang-uyghurs/.

Sepulveda Sanchez, Denisse, Anne Lavanchy, Céline Heini, et Aline Acevedo. 2021. «Chile, October and November 2019 : ‹ Feel› and Field-Work in Times of Crisis». Anthropology Today 37 (2) : 23-25. https://doi.org/10.1111/1467-8322.12644.

Smith Finley, Joanne. 2020. «Why Scholars and Activists Increasingly Fear a Uyghur Genocide in Xinjiang». Journal of Genocide Research 23 (3) : 348-70. https://doi.org/10.1080/14623528.2020.1848109.

Thum, Rian, Justin Jacobs, Tom Cliff, David Brophy, Kwangmin Kim, et Madlen Kobi. 2018. «The Rise of Xinjiang Studies : A JAS New Author Forum». The Journal of Asian Studies 77 (1) : 7-18. https://doi.org/10.1017/S002191181700167X.

Tobin, David. 2022. «Genocidal Processes : Social Death in Xinjiang». Ethnic and Racial Studies 45 (16) : 93-121. https://doi.org/10.1080/01419870.2021.2001556.

Trémon, Anne-Christine. 2012. «Diasporicité et problématique diasporique : réflexions à partir du cas chinois». Tracés 23 (novembre), 131-50. https://doi.org/10.4000/traces.5557.

Zenz, Adrian. 2019. «‹Thoroughly Reforming Them towards a Healthy Heart Attitude› : China’s Political Re-Education Campaign in Xinjiang». Central Asian Survey 38 (1) : 102-28. https://doi.org/10.108 0/02634937.2018.1507997.

  1. Les Ouïghour·e·x·s sont un peuple turcique majoritairement musulman vivant dans une région officiellement dénommée la «Région autonome ouïghoure du Xinjiang» (Chin. : Xinjiang weiwu’er zizhiqu), mais qu’un grand nombre d’Ouïghour·e·x·s préfèrent appeler le Turkestan oriental (Ouï. Sherqiy türkistan). Cette région se situe dans le nord-ouest de la République populaire de Chine (RPC), qui l’a annexée en octobre 1949 et y a mis en place des politiques relevant du colonialisme de peuplement et d’extraction. Pour une histoire générale de cette région, voir entre autres : Millward 2021.

  2. Cette thèse est réalisée en cotutelle entre l’Université de Genève et l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris, avec le soutien financier du Fonds national suisse pour la recherche scientifique. Elle repose sur une enquête de terrain d’une durée totale de sept mois répartis entre trois villes de Chine intérieure et Istanbul, en Turquie, combinée à l’analyse de sources textuelles et audio-visuelles en langues ouïghoure, turque et chinoise.

  3. J’aimerais remercier Dr Dilnur Reyhan (Inalco), Dr. Esther Leemann (UZH) et Dr. Eda Elif Tibet (Unibe) pour leur précieux conseils et commentaires sur les enjeux d’éthique et de réflexivité liés au contexte dans lequel j’ai effectué cette recherche. Merci aussi aux deux collègues anonymes qui ont relu cet article et m’ont permis d’approfondir sa portée théorique.

  4. Ouï. : Bu bizning kochighila kelgen ish emes, pütün ghulja sheher xelqige kelgen ish, jiqi tügep ézi qaldi, gheyret qilayli.

  5. Ouï. : Mawular tash emes, tash emes ! Adem ! […] Mawu balam ölep kétidu ! Mawu balamning balisi ölep kétidu !

  6. Le choix d’employer le terme «migration» (muhajiret) s’explique par le fait qu’il s’agit du terme principalement employé par les personnes que j’ai rencontrées dans le cadre de mon enquête. Les usages et les implications de ce terme font l’objet d’une analyse approfondie dans le cadre de ma thèse.