Dans ma recherche doctorale, je me penche sur les pratiques de mémoire de collectifs de jeunes à Quibdó, capitale du département du Chocó (Pacifique colombien). Le Chocó est un territoire chargé par de nombreux stigmates et la jeunesse afro-colombienne à Quibdó est considérée Autre, dangereuse, exotique, symbole de rupture sociale ou génération perdue. Comment écouter une jeunesse racialisée et accueillir la perturbation productive qu’elle nous offre ?
À travers d’une performance de dance, les collectifs de jeunes répondent activement aux regards hégémoniques, coloniaux et extractivistes. La performance ouvre un espace d’expression et d’écoute : les danseur·euse·x·s retournent le regard au public, l’interrogent et ne se laissent pas transformer en objets de spectacle. Ils et elles remettent en question le jeu même de la représentation, en se concentrant sur le fait de «parler» avec le corps et la danse, plutôt que de «représenter».
In my doctoral research, I work on memory practices of youth collectives in Quibdó, capital of the department of the Chocó (Colombian Pacific). Chocó is a territory marked by many stigmas, and Afro-Colombian youth in Quibdó is considered Other, dangerous, exotic, a symbol of social rupture, or a lost generation. How can we listen to a racialized youth and welcome the productive disruption it offers us ?
Through a dance performance, youth collectives actively respond to hegemonic, colonial, and extractivist gazes. The performance opens up a space for expression and listening : the dancers return the gaze to the audience, questioning them, not allowing themselves to be transformed into objects of spectacle. They question the act of representation itself, focusing on «speaking» with the body and dance, rather than «representing».
Il fait nuit. Une danseuse réalise une performance dans le désert. Il n’y a personne. Pas de public humain. Obscurité. Pas de regards. Elle danse, la raison de son acte étant l’acte même, comme un rituel. La scène m’a été racontée comme une anecdote1. Elle est imprimée dans ma mémoire, sans beaucoup de détails, et m’invite à la réflexion. Quel sens donner à cette performance ? Elle va au-delà de la représentation.
L’anthropologie en tant que discipline s’est penchée de manière critique sur les questions relatives aux politiques de la représentation (Clifford et Marcus 1986 ; Marcus et Fischer 1986). En tant qu’anthropologue je suis consciente de ma responsabilité dans la production et reproduction de représentations concernant les contextes et les personnes avec lesquels je travaille. Dans ma recherche doctorale, je me penche sur les pratiques de mémoire au sein de collectifs de jeunes à Quibdó, capitale du département du Chocó, dans le Pacifique colombien2. En écoutant leurs pratiques de mémoire3, j’explore ce que signifie être jeunes afro-colombien·ne·x·s à Quibdó, dans un contexte de guerre et au carrefour de multiples exclusions historiques. La recherche ethnographique, réalisée entre 2021 et 2024, intègre l’observation participante, des entretiens personnels et collectifs, des ateliers de photographie participative et de théâtre, ainsi que l’observation participante par le biais de médias sociaux, soit une ethnographie digitale (Pink et al. 2016) et à distance (Postill 2017). Elle s’appuie sur un engagement de longue durée avec un contexte qui a été « chez moi» entre 2012 et 2018. Alors que mon mari, leader afro-colombien d’un collectif de jeunes, travaillait dans de nombreux projets sociaux avec des jeunes, j’étais chercheuse au sein d’une université et d’une association culturelle touchant à des questions identitaires, territoriales, migratoires, urbaines et de jeunes. Ces différentes activités m’ont rapprochée des collectifs de jeunes. Par ailleurs, depuis des années, je pratique la danse et le théâtre de manière intermittente, expériences qui ont façonné mes interprétations des pratiques artistiques des jeunes4.
Malgré mon imbrication personnelle avec le contexte, la recherche implique une rencontre traversée par des différences de pouvoir (Smith 2012). En tant que femme, blanche, mère, universitaire, employée, suissesse et actuellement résidente en Suisse, je me positionne dans une posture de questionnement, de suspicion de reproduire les asymétries et exclusions (Esguerra Muelle 2019, 103-4). Au-delà de la réflexivité et d’assumer mon lieu d’énonciation (Ribeiro 2017), « comment raconter un·e autre racialisé·e, victimisé·e et exclu·e» (Vidal 2021)5, qui habite un territoire invisibilisé et silencé? Comment écouter une jeunesse racialisée et accueillir la perturbation productive qu’elle nous offre ?
Le Chocó est un territoire chargé par de nombreux stigmates. L’écrivaine afro-colombienne Velia Vidal me rappelle, qu’en tant que chercheuse « où poser son regard est un choix, surtout pour raconter un territoire qui porte tant de stigmates» (2021). Dans mes écrits académiques, je décris le Chocó comme ayant été historiquement représenté comme sous-développé, chaotique, lieu de guerre et de violences, un espace périphérique dans une nation centralisée. Il est également imaginé comme exotique, lieu de biodiversité, vantant la richesse de ses forêts, ses rivières et sa faune (Restrepo 2013). Je souligne aussi la coïncidence de ces imaginaires avec ses habitant·e·x·s, principalement personnes afro-colombiennes et peuples indigènes. J’aborde ainsi la continuité de relations et regards coloniaux, extractivistes et d’exclusion sur le Pacifique et ses populations, construites par les élites politiques et médiatiques du pays comme sous-humaines (Olaya Requene 2018). Cela est particulièrement vrai pour la jeunesse afro-colombienne à Quibdó, soumise à un processus d’othering (Abu-Lughod 1991 ; voir aussi Powell et Menendian 2024), considérée Autre, dangereuse, exotique, symbole de rupture sociale ou génération perdue (Diócesis de Quibdó 2013 ; Vega Pinzón 2016). Ces représentations se basent notamment sur la présence violente de gangs de jeunes et sur le chiffre très élevé de meurtres de jeunes dans la ville (Calle 2014 ; de Currea-Lugo 2015 ; Revista Semana 2013 ; 2023). Ces perspectives adulte-centrées persistent en Colombie, notamment dans la problématisation des thèmes violence/criminalité et sexualité/corps (Salazar 1990 ; Marzi 2018 ; Larrondo et Ponce Lara 2019). Par conséquent, « les jeunes entrent dans les récits de la modernité seulement quand ils [ainsi qu’elles] posent problème» (Comaroff et Comaroff 2005, 3).
Si nous choisissons de regarder autrement, les jeunes sont makers et breakers de la société (Honwana et De Boeck 2005) : ils et elles secouent et forgent constamment la société, de mille façons et à partir de multiples espaces, savoirs et pratiques, tout en étant à la fois forgé·e·x·s et secoué·e·x·s par elle. Les jeunes offrent une « perturbation productive des régimes épistémiques dominants» (Comaroff et Comaroff 2005, 3). Un exercice d’écoute s’avère nécessaire pour leur reconnaître une « place» dans la nation politique colombienne, ainsi que pour complexifier les récits vers une polyphonie de voix.
La performance Vérités invisibles, réalisée par les collectifs artistiques de jeunes Explosión Dance,6 Black Boys Chocó7 et Jóvenes Creadores del Chocó,8 sous la direction de ce dernier, clôture l’événement de la Commission de la Vérité9 auquel j’assiste dans l’auditoire de l’université publique à Quibdó. La mise en scène raconte, au rythme exótico10, comment la mort violente fait irruption dans la vie quotidienne des jeunes à Quibdó. Lors d’une fête, des jeunes hommes sont tués. La scène suscite suspicion et peur parmi les autres, qui fuient, jusqu’à ce que les mères viennent pleurer leurs morts. À ce moment, les autres jeunes reviennent sur scène pour le dernier acte de la pièce, s’alignent face à la salle, fixant le public sans bouger. La célèbre chanson ¿Quién los mató ? (« Qui les a tués ?»)11, écrite et interprétée par Hendrix B, Nidia Góngora, Alexis Play et Junior Jein, artistes afro-colombien·ne·s du Pacifique, commence à résonner et devient un élément fondamental de la performance.
Sur scène, les jeunes synchronisé·e·x·s, formant un corps collectif, montrent leurs mains ouvertes, paumes vides et propres; puis, comme si pointé·e·x·s par une arme, les lèvent vers le plafond, toujours visibles. La séquence est lente, marquée par les mouvements synchronisés et par les regards des jeunes, qui répondent au regard du public et semblent nous inviter à nous regarder en face. Ces regards, fermes et intenses, nous interrogent : Qui sommes-nous ? Qui est responsable ? Qui est complice ? Qui est innocent·e ? Les questions traversent les corps et les regards, ouvrant la scène à d’autres récits au-delà de la violence et de la douleur.
Les jeunes restent debout, paumes ouvertes au-dessus de la tête. L’intensité des gestes et des regards est telle que certaines personnes dans le public commencent à se lever et se joignent à la chorégraphie. Je me lève. Le mouvement naît de moi-même. Debout, les mains tendues au-dessus de la tête, j’accompagne leur profonde et pacifique contestation. Je ressens dans mon corps la douleur et le désespoir de ce geste, parce qu’il n’y a pas d’autre option. Je ressens l’injustice et nous sommes uni·e·x·s, en protestant, face à elle. En peu de temps, il n’y a plus une personne dans la salle qui ne se soit pas jointe à la performance. Un miroir s’installe entre danseur·euse·x·s et public, qui non seulement reflète les gestes, mais y répond et les soutient.
Lentement, les mains descendent et se posent derrière la tête, comme lors des fouilles policières. Les gestes sont lents, mais leur force vibre en moi. La chanson dénonce:
Rien, la vie des Noirs n’importe rien
La première chose qu’ils disent, c’est : ‹Ils étaient dans des affaires louches› […].
Nous sommes victimes du système et de la négligence de l’État.
Mais le peuple n’abandonne pas, carajo !
Les jeunes dénoncent, par les gestes, le racisme et le meurtre systématique de jeunes afro-colombien·ne·x·s, l’« afrojuvénicide» (Santana Perlaza 2022), en Colombie et à Quibdó.
« Qui les a tués ?» demande la chanson dans l’auditoire, tandis que nous tournons le dos, en faisant preuve d’être complètement désarmé·e·x·s. Les bras se lèvent à nouveau et la musique insiste sur la question « qui les a tués ?». Doucement, nous nous retournons pour nous regarder, les bras levés au-dessus de la tête. « Qui les a tués ?» questionne encore la chanson. Les regards semblent crier silencieusement et répétitivement « assez !», alors que les mains descendent lentement, toujours révélant les paumes vides, propres et désarmées. La musique demande une fois de plus : « Qui les a tués ? Jusqu’à quand se poursuivra cette guerre qui coûte des vies innocentes ?». Grâce à la performance, je ressens la violence historique inscrite dans les jeunes corps afro-colombiens. À travers de la performance, c’est comme si toute la salle affirmait à l’unisson « ça suffit ».
Soudain, nous levons le poing droit en l’air, un poing déterminé qui reste levé longtemps, donnant de la force à notre présence et à notre récit, un récit qui exige justice et un changement radical. Geste antiraciste de solidarité et de résistance, le poing droit levé est un symbole des mouvements antiracistes Black Power12, qui a circulé depuis les années 1960 et qui a été repris avec force en 2020 lors de la vague des mouvements Black Lives Matter.
La musique se termine, les danseur·euse·x·s baissent lentement le poing et se tiennent debout en silence, regardant le public. Nous, aussi debout, fixons les danseur·euse·x·s. Les yeux brillent, les joues sont striées de larmes, le silence se fait. Quelque chose vient de se passer.
En quittant la salle, je discute avec une amie danseuse afro-colombienne. Elle affirme que, surtout pour le collectif Jóvenes Creadores del Chocó, « il ne s’agit pas de danser pour danser».
Les collectifs de jeunes avec qui je travaille à Quibdó répondent activement aux regards hégémoniques, coloniaux et extractivistes mentionnés dans la deuxième section de l’article. Leur stratégie a été de multiplier les récits qui circulent sur le Chocó en incluant les leurs, mais aussi de créer des références positives au niveau local. Les initiatives artistiques Made in Chocó13, Enamórate del Chocó14, Explosión Dance, Black Boys Chocó et Jóvenes Creadores del Chocó (JCH) s’insèrent dans cette ligne d’action. Black Boys Chocó est un collectif de jeunes de danse urbaine basé dans le quartier El Reposo de Quibdó, dont la plupart des habitant·e·x·s se reconnait comme victime du conflit armé15. Depuis la performance Vérités invisibles, il collabore de plus en plus avec JCH. Ce dernier est un collectif de danse-théâtre ayant gagné en reconnaissance à Quibdó et dans le monde de la danse colombienne depuis 2018. JCH a voyagé internationalement pour danser et pour se former, en participant à des résidences avec des personnages reconnus du monde de la danse, tels que la compagnie colombienne de danse afro-contemporaine Sankofa (2018), la danseuse et chorégraphe sénégalaise Germaine Acogny (2019) ou avec le Ballet Preljocaj de Marseille (2022).
Pour les jeunes de JCH et Black Boys, il ne s’agit pas simplement de suivre un parcours qui leur apprend à danser pour danser, mais de cultiver la danse comme outil d’expression pour pouvoir parler16. Leurs performances sont avant tout une manifestation d’existence de la jeunesse à Quibdó, une revendication de leur humanité face aux représentations, de la part des élites politiques et médiatiques du pays, comme sous-humaines (Olaya Requene 2018)17. Dans un contexte qui réduit au silence, criminalise et assassine ses jeunes, la performance prend un sens politique : elle ouvre un espace d’expression et d’écoute. Comme le souligne le danseur Rafael Palacios, directeur de Sankofa, dans un post sur la page Facebook du groupe, « nous dansons, plus que pour être vus, pour être écoutés !» (Sankofa Danzafro 2021). Écouter un corps est très significatif, d’autant plus si l’on considère la discrimination, l’exotisation et la sexualisation qui ont historiquement et profondément marqué, exploité, violé et rendu Autres les corps (jeunes) afro-colombiens (Wade et al. 2008). Le corps, au coeur des performances,
n’est pas un espace neutre ou transparent ; le corps humain est vécu de manière intensément personnelle (mon corps), produit et coparticipant de forces sociales qui le rendent visible (ou invisible) à travers des notions de genre, sexualité, race, classe et appartenance (Taylor 2011, 12).
Le corps afro-colombien a historiquement constitué le contrepoint, l’altérité, pour penser et définir le corps blanc comme corps civilisé; selon la logique coloniale, il a été sexualisé, animalisé, exotisé, exploité (Wade 1997). Viveros Vigoya (2009) souligne la persistance de la sexualisation de la « race» en Colombie, qui maintient et naturalise les différences raciales. Cette insistance sur le corps afro-colombien (re)produit une distance sociopolitique, reléguant constamment cette population à la dimension de l’exotique (Viveros Vigoya 2009).
L’écoute de ces corps est empêchée par le regard, dominant dans le concept de spectacle, qui constitue « un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images» (Debord 2010, 4). Cette relation est normalisante, affirme Taylor, car le spectacle enferme les gens dans une économie du regard (1997, 119). Afin de permettre l’écoute, il faut inverser la logique du spectacle, modifier cette relation médiatisée par l’image, pour construire autre forme de relation entre les jeunes de JCH et Black Boys et leur public. C’est à cela qu’aspirent les danseur·euse·x·s de la performance Vérités invisibles, qui retournent le regard au public, l’interrogent et ne se laissent pas transformer en objets de spectacle. Leurs yeux exigent une reconnaissance des jeunes en tant que sujets qui parlent et méritent d’être écoutés.
Black Boys et JCH revendiquent la possibilité, pour un corps jeune afro-colombien, d’être en scène pour parler et être écouté18. Comme l’explique Jhonatan, leader de Black Boys, « lorsqu’ici la guerre nous arrache un jeune, nous voulons savoir pourquoi […]; nous dansons parce que nous voulons savoir pourquoi» (Comisión de la Verdad 2020). Luis, autre jeune membre de Black Boys, souligne:
Cela fait longtemps que nous exigeons la vérité. En plus d’exiger la vérité, nous montrons notre propre vérité, ce que nous vivons tous les jours dans le Chocó, à travers la danse, à travers l’art. […] En ce moment, je pense que les jeunes, nous sommes les plus stigmatisés et les plus affectés par la violence ici dans ce département et peut-être dans le pays, à cause de ce que nous vivons tous les jours (Comisión de la Verdad 2020).
Katherin, leader de JCH, considère la danse comme une possibilité de « raconter la vérité». Raconter la vérité est un acte de dénonciation : « Nous dénonçons pour que cela [l’afrojuvénicide] ne se répète pas, nous dénonçons pour que les droits soient garantis, pour que la vie de la jeunesse du département du Chocó soit respectée» (Comisión de la Verdad 2020). La vérité, pour Katherin, est intimement liée à la dignité de chaque personne, à sa liberté d’être et d’exister, dans un contexte qui anéantit quotidiennement sa jeunesse.
Les processus de racialisation et sexualisation silencent la jeunesse afro-colombienne parce que « les voix des personnes ne comptent que si leurs corps ‹ importent›» (Couldry 2010, 130). Selon Couldry, « les personnes doivent d’abord être visibles avant d’être reconnues comme ayant une voix» (2010, 130). À travers des performances de danse dans des festivals, dans les rues, dans les médias sociaux, lors des mobilisations sociales et d’événements, tels que celui organisé par la Commission de la Vérité, JCH et Black Boys luttent pour une voix en mettant en place une pédagogie de la présence (Mbembe 2015), à savoir « un ensemble de pratiques créatives qui finissent par rendre impossible pour les structures officielles de les ignorer et de ne pas les reconnaître, de prétendre qu’ils et elles ne soient pas là […] ou de prétendre que leur voix ne compte pas» (Mbembe 2015, 6).
En outre, ces collectifs explorent comment habiter des corps racialisés sur scène « sans tomber dans le répertoire des images patriarcales et coloniales» (Taylor 2011, 12) de la société colombienne, sans tomber dans la surdétermination de l’extérieur (Fanon 2009, 115). Existet-il une voix, si le langage même est imprégné de catégories coloniales (Couldry 2010, 122)19 ? Sankofa ainsi que JCH et Black Boys remettent en question le jeu même de la représentation, et vont plus loin en se concentrant sur le fait de « parler» avec le corps et la danse, plutôt que de « représenter». Ils travaillent pour se (ré)approprier leurs corps; ils occupent consciemment la danse, lieu où ils ont été relégués, comme langage20. À partir de là, ils explorent et construisent une voix : « Pour nous, la danse est notre propre histoire […], c’est notre voix d’autoréférence » (Plan Nacional de Danza 2019). Dans les dernières années, JCH et Black Boys ont construit une voix à partir de la danse exotique (« el exótico»), un rythme nouveau crée à Quibdó par les jeunes DJs afro-colombiens. La musique et la danse exotique mélangent différents éléments de contextes afro-diasporiques globaux (l’influence de Michael Jackson est très grande) avec des éléments de Quibdó (ses rythmes, slangs, et même des sons quotidiens) (Kienyke 2023 ; Comisión de la Verdad 2022a). « El exótico», pour les jeunes de ces collectifs signifie liberté de mouvements et d’expression, diversion, moquerie des catégories et transformation des réalités sociales21, mais aussi revendication et proteste face à l’exclusion et la violence quotidienne (Comisión de la Verdad 2022a). Cette danse permet d’habiter autrement l’exotisation constante des corps jeunes afro-colombiens : elle se moque des catégories imposées et les transforme. « El exótico» est présent et active les espaces de mobilisations et protestations sociales dans les rues de Quibdó. Dans les mots des jeunes de JCH, « l’exotique est à nous» (Comisión de la Verdad 2022a). Ainsi, JCH et Black Boys jouent au spectacle, toute en échappant à la logique normalisante du spectacle (Taylor 2011, 26).
Le contexte d’origine de la danse de JCH et Black Boys est un élément clé pour savoir écouter les corps dansants, qui réalisent ce qui est, en-même temps, une pratique de mémoire, une protestation sociale, un espace de protection, une pédagogie de présence, un espace de voix, une narration de soi. La danse devient un lieu politique, car un·e jeune qui danse « c’est un corps capable de s’exprimer pour exiger justice, pour exiger ce à quoi il a droit dans cette société» (Hacemos Memoria 2022). Les jeunes à Quibdó exigent leur droit à se représenter et à se raconter, tout en questionnant l’idée même de représentation. Katherin Gil, leader de JCH, se réfère à cela lorsqu’elle déclare que le Chocó est toujours raconté depuis l’extérieur et qu’en tant que collectif de jeunes, « nous voulons nous raconter nous-mêmes à travers de l’art » (Corporaloteca 2021). Elle revendique le droit de se raconter et de se penser, car « la possibilité de se penser nous a été enlevée» (Comisión de la Verdad 2022b). Vidal souligne également le problème des récits : « Historiquement, nous n’avons pas eu la possibilité de nous raconter nous-mêmes et il est absolument nécessaire que nous puissions raconter nos propres histoires» (Santaeulalia 2022). Ces réflexions évoquent la problématisation des récits hégé-moniques perçus comme des récits uniques de l’histoire, qui masquent la polyphonie des voix et narrations, comme suggéré par Chimamanda Ngozi Adichie (2018).
La complexification des récits passe par l’inclusion d’autres voix, d’autres regards, d’autres épistémologies et ontologies et par l’activation d’autres sens. Il s’agit de déplacer le regard en tant que sens central et axe hégémonique de la production de savoirs et représentations (Barriendos 2011), pour récupérer l’expérience de nos sens. Je pense alors à nouveau à la performance Vérités invisibles, ainsi qu’au moment déclencheur de ces réflexions, la danseuse dans le désert nocturne évoquée au début de l’article, une danseuse qui échappe au regard, peut-être à la recherche d’autres sens ou de la non-représentation.
Les approches de la non-représentation (Boyd 2017) embrassent l’incertitude et le désordre, elles s’intéressent à la manière dont la vie se déroule, laissant place à ce qui émerge, à ce qui n’est pas encore. Dans ce sens, le problème avec les représentations réside dans ce qu’elles laissent échapper. L’expérience est placée au centre de ces approches relationnelles et incorporées, qui impliquent « placer la pensée entre les espaces de sensation et de signification, créer des perspectives qui vibrent» (Boyd 2017, 33). L’expérience (ce qui nous arrive) nous touche et nous transforme ; elle permet l’affect, c’est-à-dire « la capacité des corps à affecter et à être affectés par d’autres corps, qu’ils soient humains, non humains, animés ou inanimés» (Boyd 2017, 36). Elle permet aussi de nous reconnaître dans une condition commune, c’est une opportunité de « dé/faire les différences» (« un/doing differences») (Hirschauer 2014) ou d’« appartenir sans s’aliéner» (« belonging without othering») (Powell et Menendian 2024).
L’expérience est au coeur de la danse ; le mouvement est une expérience émergente et du sensible : « Dans le mouvement, on fait et on se sent faire en même temps» (Sklar 2000, 72). La danse devient dans sa pratique (Neveu Kringelbach et Skinner 2014, 2). L’expérience est aussi au coeur de l’anthropologie, cela étant fondée sur une méthode de l’expérience et caractérisée par une inclination « de penser et de travailler dans le flux des circonstances» (Pandian 2019, 10). Pratiquer l’anthropologie signifie, donc, se syntoniser avec la vie telle qu’elle arrive, en habitant d’autres modalités de conscience dans lesquelles les sens sont essentiels (Pandian 2019) ; il s’agit de « manières d’être autant que de manières de faire» (Pandian 2019, 3).
Même si l’approche de la non-représentation est impossible dans la pratique, puisque « nous ne produisons jamais que des compréhensions partielles de l’ ‹ événementialité› [« eventhood»]22 du monde», nous pouvons travailler à la création de concepts, approches et méthodes qui ont le potentiel de fournir des « compréhensions cohérentes» du monde (Boyd 2017, 33). Sa force serait justement sa capacité à déstabiliser et à perturber les notions de l’humain, du devenir et des relations avec le non-humain et la planète.
Pandian (2019) se penche sur ce qui peut contribuer l’anthropologie dans le monde contemporain, en considérant son héritage colonial et ambigu. Il souligne « son insistance sur le caractère ouvert de ce qui est humain» (2019, 13), qui permet d’expandre l’horizon du possible et de l’humanité23 : « L’anthropologie nous apprend à rechercher les faces invisibles du monde qui nous entoure, à nous confronter à son ouverture par l’expérience et la rencontre, et à prendre ces ouvertures comme les germes d’une humanité à venir» (2019, 3)24. Cette anthropologie possible se rapproche de l’art (Pandian 2019), danse comprise, et ouvre des espaces d’imagination anthropologiques, car « tout artiste réagit instinctivement au monde» (Wang 2008, 131). Comme écrit le chorégraphe et artiste Lemi Ponifasio : « Je suis recon naissant pour le don de la danse. C’est un esprit miraculeux qui active notre parenté avec le monde, avec les vivants, avec les morts, avec la rivière, avec la pierre, avec le ciel et avec tous les êtres sensibles» (2008, 201).
L’anthropologue et danseuse afro-américaine Katherine Dunham concevait la danse comme « la forme par excellence d’une ethnographie incorporée» (Neveu Kringelbach et Skinner 2014, 5). Travaillant depuis l’anthropologie, nous pouvons interroger et expandre les méthodes et l’écriture ethnographique pour capter la vie telle qu’elle est vécue, incorporant l’expérience, le corps, et les affects comme axes et forces motrices (Bidaseca 2018). « L’écriture comme méta-danse», propose Sklar (2000, 75), en engageant la mémoire corporelle de l’anthropologue.
Il s’agit également de reconnaître l’Autre et son récit dans ses propres termes; de savoir se taire et écouter, parce que « le silence est une écoute et permet à la parole d’être entendue» (Patterson citée dans Lima 2020). Palacios, de la compagnie Sankofa, insiste sur le fait que« le public doit apprendre à lire l’implicite» (Hacemos Memoria 2022). Il faut donc respecter le droit à se représenter, à se raconter, et dialoguer vers une balance de récits (Achebe 2000), mais aussi respecter les silences, le trouble et le flou ; le droit à la non-représentation et à l’expérience. Respecter le droit d’échapper au jeu de la représentation; de retourner le regard, nous interroger et nous sentir affecté·e·x·s. Le droit de danser seule dans le désert nocturne, dans l’obscurité, parce qu’il s’agit de la puissance de l’acte en soi même.
Claudia Howald est doctorante dans le programme Post-Colonialisme et Citoyenneté mondiale du Centre d’études sociales de l’Université de Coimbra, au Portugal. Elle a étudié l’anthropologie et l’histoire à l’Université de Bâle et les sciences sociales à l’Université de Neuchâtel. Elle travaille comme assistante à la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI).
claudia.howald@supsi.ch
Centre for Development and Cooperation, Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI)
Claudia Howald is a PhD candidate in the Post-Colonialism and Global Citizenship program of the Centre for Social Studies at the University of Coimbra, Portugal. She studied Anthropology and History at the University of Basel and Social Sciences at the University of Neuchâtel. She works as an assistant at the University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland (SUPSI).
claudia.howald@supsi.ch
Centre for Development and Cooperation, University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland (SUPSI)
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L’anecdote est racontée en 2020 par l’anthropologue visuelle Nadine Wanono dans le cadre de l’atelier du Swiss Graduate Program in Anthropology «Migration, Représentation et Réflexivité», organisé par Serjara Aleman, Federica Moretti et Sara Wiederkehr. Il est possible que l’anecdote ne soit pas exactement comme ça et que j’aie causé une distorsion de la version «originale».⬑
Projet doctoral «Prácticas de memoria y posmemoria de juventudes afrocolombianas en el Pacífico urbano», sous la direction de Marisa Ramos Gonçalves à l’Université de Coimbra (Portugal).⬑
Je me réfère aux pratiques de mémoire comme l’ensemble des discours, commémorations, marches, événements, rituels, productions et pratiques artistiques qui (re)produisent, mobilisent, articulent, (re)signifient et transforment les mémoires des jeunes relatives au dénommé «conflit armé interne» qui a fait irruption dans le Chocó dès les années 1990.⬑
Comme soulignent Neveu Kringelbach et Skinner, «dance scholars have often pointed out that watching and writing about dance was best done by people who possessed a form of ‹skilled vision› attuned to rhythmic movement» (2014, 5)⬑
Toutes les traductions depuis l’espagnol et depuis l’anglais sont de l’autrice.⬑
Collectif de danse urbaine basé dans le quartier San Vicente à Quibdó. Voir : https://www.youtube.com/@explosiondance138.⬑
Collectif de danse urbaine qui naît dans le quartier El Reposo de Quibdó. Voir : https://www.youtube.com/@blackboyschoco8142.⬑
Collectif de danse et théâtre qui travaille dans la création et la circulation de récits propres à partir du corps. Voir : https://www.youtube.com/@jovenescreadoresdelchocojc9173.⬑
La Commission de la Vérité a été créée à la suite de l’accord final, conclu en 2016, entre la guérilla des FARC-EP (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia-Ejército Popular) et le gouvernement, dans le cadre du système de justice transitionnelle. Les principaux objectifs de cette entité nationale autonome, temporaire et extrajudiciaire, étaient de clarifier les faits survenus dans le pays pendant la guerre, de contribuer à la reconnaissance des responsabilités, de reconnaître les victimes du conflit armé et de leur rendre leur dignité, ainsi que de promouvoir la coexistence et de proposer des mesures pour la non répétition.⬑
Exótico est un rythme urbain créé par des DJ de Quibdó et devenu populaire ces dernières années.⬑
La chanson commémore, dénonce et exige justice pour le massacre de cinq jeunes afro-colombiens à Llano Verde (Cali) en août 2020.⬑
Mouvements issus aux États-Unis dans les années 1960. Le geste s’est popularisé depuis que les athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos l’ont incorporé sur le podium des Jeux olympiques de 1968 sur l’air de l’hymne des États-Unis, affirmant ainsi les droits civiques de la population afro-américaine.⬑
Collectif de jeunes qui s’occupe de la création, promotion et circulation de récits, d’images et de références positives sur le Chocó. Voir : madeinchocoquibdo.wixsite.com/websitemadeinchoco.⬑
Projet artistique du photographe Waosolo qui a comme but de complexifier les représentations et images du Chocó, surtout avec la production d’images esthétiques qui exaltent la beauté des lieux, des cultures et des personnes. Voir : https://enamoratedelchoco.co/.⬑
Conformément à la loi sur les victimes (loi 1448 de 2011).⬑
Je m’inspire du concept de «pouvoir parler» de Spivak (1993). L’autrice se réfère à l’incapacité de certains sujets (sujets subalternes) de parler et d’être entendus, en raison de structures de domination qui les réduisent au silence.⬑
Concernant la danse en relation avec les droits humains, les mouvements sociaux et la revendication de l’humanité, voir Jackson et Phim (2008).⬑
Afin de soutenir l’analyse et d’éviter la surinterprétation, j’intègre des voix orales de jeunes des collectifs JCH et Black Boys, même si mon objectif était d’écouter leurs corps dansants. Leurs voix orales soutiennent en fait la même argumentation que leurs corps dansants.⬑
Couldry fait référence au concept de double consciousness, «this sense of always looking at one’s self through the eyes of others», de Du Bois (2007, 8) et aux écrits de Frantz Fanon (2009).⬑
Cela rappelle les mots de Savigliano au sujet du tango : «Tango is the main ingredient in my project of decolonization because I have no choice. It is the stereotype of the culture to which I belong. If I reject my stereotype I fall, caught in nowhere. Caught in endless explanations of what I am not and justifications of what I am. Caught in comparisons with the colonizer. By assuming the tango attitude and taking it seriously, I can work at expanding its meaning and power. My power, actively tango. Tango is my strategic language, a way of talking about, understanding, exercising decolonization» (1995, 16).⬑
La moquerie de catégories et formes de danse hégémoniques a été historiquement présente et intégrée dans les pratiques de danse des peuples colonisés (Reed 1998, 509).⬑
Boyd se réfère à la propriété du monde d’être construit par événements.⬑
Les ouvrages de Michael Fischer (2003 ; 2009) vont dans ce même sens.⬑
Cette conceptualisation de l’anthropologie a permis le développement récent d’approches qui saisissent la multiplicité et la complexité, les enchevêtrements et le relationnel du monde (Cadena et Blaser 2018 ; Escobar 2016 ; Haraway 2016 ; Tsing et al. 2024).⬑