À Paris, au début de la décennie 1900, les Apaches incarnent une figure du hors-la-loi venu des faubourgs. Tels qu’ils sont dépeints par la presse, leurs gangs faufilés dans la capitale française apparaissent comme une menace pour la sécurité des «bon citoyens». Conjuguant anthropologie historique et visuelle, cet essai remonte à la source des chroniques apaches. Elles montrent comment l’Autre et sa dangerosité ont pu être imaginés, tant par le récit journalistique ou chansonnier qu’au travers des représentations graphiques (gravures et dessins). Le croisement de ces regards permet de voir comment tout une stéréotypie du «voyou sans foi ni loi» a été mise au service d’un processus de criminalisation. Au-delà des groupes qu’il dénonce, ce processus révèle les peurs qu’entretenait la société bourgeoise à l’égard des classes qu’elle considérait comme «dangereuses»; avant tout parce qu’elles échappaient à son contrôle, tant social que moral.
In Paris, at the beginning of the 1900s, the Apaches embodied a figure of the outlaw from the suburbs. As portrayed in the press, their gangs snuck into the French capital as a threat to the safety of “good citizens.” Combining historical and visual anthropology, this essay goes back to the source of the Apache chronicles. It shows how the Other and his or her dangerousness could be imagined, as much through journalistic or song-based accounts as through graphic representations (engravings and drawings). The intersection of these views allows us to see how a whole stereotype of the “lawless thug” has been put at the service of a process of criminalization. Beyond the groups that it denounces, this process reveals the fears that bourgeois society entertained with regard to the classes that it considered as “dangerous”; above all because they escaped its control, both social and moral.
Au tournant du XXe siècle, les Apaches apparaissent à Paris dans les colonnes de la presse où ils incarnent la menace que feraient peser sur la ville toutes sorte de pseudo-tribus délinquantes. Leur dénomination relève d’une métaphore. Elle exprime la sauvagerie et la violence prêtées à ceux que les classes dominantes placent à la marge, au-delà d’un monde civilisé dont ils seraient les ennemis rapprochés ; à en croire les journaux, ces « malandrins » s’infiltreraient parmi les « honnêtes gens » pour les agresser, les détrousser ou les tuer. Reste que les origines des Apaches de Paris sont apocryphes. D’aucuns attribuent la paternité de l’expression à Henry Fouquier (journaliste et homme politique renommé), d’autres à Victor Moris-Voillemier (un feuilliste plus obscur). Tous deux contribuaient au quotidien Le Matin, dans les colonnes duquel ils ont entamé leurs chroniques de cette forme indianisée de voyouterie dès le mois de juin 1900. Ce n’étaient alors que les premiers actes d’un feuilleton dont les récits se sont égrenés tout au long de la décennie. Des hebdomadaires illustrés tels que le supplément du Petit Journal ou, à compter de 1908, L’Œil de la police, ont ouvert leurs pages aux « apacheries » dont les gravures inspiraient l’effroi, de même qu’elles ont représenté une certaine idée de la sauvagerie ; autant de clichés d’une « basse pègre » (selon l’idiome journalistique du moment) affrontée à l’ordre, à la loi et à leurs représentants. Tandis que les images de ces affrontements ont volontiers forcé les traits les plus sanglants, elles ont joué la surenchère dans une iconographie du hors-la-loi destinée à un lectorat souvent aussi conservateur que bourgeois. Quant aux commentaires à l’appui des images, ils annoncent entre 40 000 et 80 000 « rôdeurs » disséminés dans les rues de Paris (selon des sources loin d’être unanimes), alors que la chronique de leurs faits divers demande : « Faudra-t-il que les citoyens s’arment un jour pour exterminer la masse de ces misérables ? » (figure 1).
Revenant à l’articulation des textes et des images, cette enquête propose de remonter à la source des chroniques apaches. Celles-ci apparaissent en 1900 dans les colonnes d’une presse française en plein essor. Les quatre quotidiens les plus influents étaient alors Le Petit Journal, Le Petit Parisien, Le Journal et Le Matin. Si ce dernier a lancé la polémique à propos des Apaches, tous ont donné une importance croissante aux « faits divers », largement représentés dans les suppléments illustrés. D’une part, les récits criminels assortis de leurs gravures ont piqué la curiosité d’un lectorat toujours grandissant ; entre 1898 et 1903, Le Matin multiplie son tirage par dix, passant de 32 000 à 320 000 exemplaires quotidiens (Pinsolle 2012, 91 sq.). D’autre part, ils ont entretenu l’idée d’une menace pesant sur la « bonne société », dont la « sécurité publique » s’est trouvée ouvertement interrogée. Les travaux de Dominique Kalifa sur l’utilisation et la signification sociales des faits divers dans la presse de la Belle Époque font référence en matière d’historiographie de ces phénomènes, auxquels les Apaches ont donné un nom (e. g. Kalifa 1995). Aussi cette recherche vise-t-elle moins l’analyse des contextes sociaux de leur apparition, que l’étude des manières de représenter les Apaches dans la presse et la culture (im)populaire de Paris.
Au-delà du fantastique social dont il s’agit d’analyser les effets, les chroniques apaches montrent comment l’Autre et sa dangerosité ont pu être imaginés, tant par le récit journalistique ou chansonnier qu’au travers des représentations graphiques (gravures et dessins). Autant d’archives qui proviennent pour l’essentiel des fonds de la Bibliothèque Nationale de France et de ceux des bibliothèques patrimoniales de la Ville De Paris - dont la Bibliothèque des Littératures Policières (ou BiLiPo). Les extraits choisis pour composer ce texte sont ceux qui ont constitué autant de jalons décisifs pour l’enquête. Celle-ci ne prétend pas plus à l’exhaustivité qu’à une quelconque objectivation des chroniques apaches, dont le trait commun est précisément la subjectivité des points de vue. Une variation de perspectives qui fonde également cette réflexion, où se conjuguent anthropologie historique et visuelle. Pour cette dernière, l’iconographie a une importance particulière ; elle est traitée non pas comme une simple illustration, mais comme une modalité de la narration. En fonction de ce qui est montré et de la façon dont les images sont légendées, différentes manières de voir la criminalité entrent en dialogue avec la textualité des récits. Ces représentations visuelles d’un phénomène et des façons dont il a été perçu par celles et ceux qui l’ont vécu constituent la matière première d’une lecture des images, fixes ou animées, que cet article conçoit comme autant de documents historiques à part entière. Si bien qu’il les articule aux sources écrites de l’historiographie, sans pour autant les subsumer à ces dernières1.
Dans le cas de Paris 1900 et de ses chroniques apaches, mon hypothèse est que les archives réunies par cette recherche montrent comment toute une stéréotypie de l’altérité a été mise au service d’un processus de criminalisation. Au-delà des groupes qu’il dénonce, ce processus révèle les peurs qu’entretenait la société bourgeoise à l’égard des classes qu’elle considérait comme « dangereuses » ; avant tout parce qu’elles échappaient à son contrôle, tant social que moral (Beauchez et Zeneidi 2020). Si bien que l’Apache iconique - non pas celui qui a pu exister dans la réalité, mais celui que la presse et la légende urbaine ont façonné - peut être regardé comme une figure originale au double sens du terme : unique dans l’histoire contemporaine des crimes à Paris et originelle en matière de « panique morale » médiatiquement construite à partir d’une figure fantasmée de l’Autre, aussi transgressif que diabolisé (sur ces aspects, voir Young 2011). En la matière, l’icône remplit une fonction particulière. Elle puise dans la réalité pour la refaçonner à son image, jusqu’à produire un effet de réel suffisamment puissant pour qu’il se substitue aux faits, dont le récit comme les significations sont entièrement reconstruits. Ainsi l’iconicité fait-elle écran à la réalité dont elle prend la place, devenant dès lors matière à projection de tous les fantasmes concernant les « classes dangereuses » et leur « violence sauvage »2. Au-delà de l’étude de cas, Paris 1900 et le récit de ses apacheries peuvent dès lors être constitués en analyseur de ces fabriques du « hors-la-loi » qui produisent autant de réactions que d’appels aux contrôles sociaux - qu’il s’agisse de surveiller, de punir ou de redresser les membres des groupes criminalisés.
Tandis que la première partie de l’article montre comment l’Apache parisien est apparu dans la presse comme une figure de l’ennemi public suscitant toutes les paniques, la seconde l’incarne dans l’une de ces légendes urbaines qui ont défrayé la chronique criminelle de Paris 1900. Regarder dans les ombres de la « ville-lumière » - que sa bourgeoisie intellectuelle concevait comme une capitale des arts et de la culture (Prochasson 1999) - révèle, en clair-obscur, les figures troubles sur lesquelles s’appuyaient les représentations du « hors-la-loi » menaçant la « bonne société » ; autant de menaces que les soi-disant Apaches ont incarnées. Suivre leurs traces et les indices qu’elles ont laissés mène dès lors à la dernière partie d’une analyse qui interroge le legs des chroniques apaches en tant que clichés d’une « sauvagerie » indissociables de la violence que l’on prête volontiers aux plus marginalisés, hier comme aujourd’hui.
Précurseur en matière d’historiographie des « classes dangereuses », Louis Chevalier compte aussi parmi les premiers historiens des Apaches de Paris (Chevalier 2002 [1958] ; 2016 [1977], 259 sq.). Sa collègue Michelle Perrot les place à l’origine d’un phénomène : celui des bandes de jeunes dont la masculinité agressive et les méfaits sont perçus comme une menace dirigée contre la « bonne société » (Perrot 2007 [1978]). Dans son essai d’« archéologie de l’apachisme », Dominique Kalifa précise le tableau. Il exhume l’imaginaire d’une racine commune que la première décennie du XXe siècle a inventée pour opérer la jonction entre l’exotisme des grandes plaines américaines et les sauvageries faubouriennes de Paris (Kalifa 2002). Si les caf’conç (cafés-concerts) montmartrois se font eux aussi l’écho de ces comparaisons, leurs chansons enjambent allègrement l’Atlantique pour imaginer la rencontre des indomptés au spectacle desquels les «honnêtes gens » aiment s’effrayer. Comme souvent, le chansonnier Aristide Bruant est aux avant-postes dès lors qu’il s’agit d’entonner la rengaine des marges urbaines et de ses hors-la-loi ; aussi consacre-t-il quelques couplets à ces Apaches détrousseurs de bourgeois (Bruant 1911). Pour le célèbre versificateur des argots parisiens, ils sont moins une nouveauté qu’un prolongement des « petites pègres » - comme celle de « la Maube » (la Place Maubert) - que les grands travaux parisiens du Second Empire (1853-1870) se sont employés à chasser du centre de Paris (Bruant 1886). Celui-ci a été démoli sous la houlette du baron Haussmann, puis rebâti à l’image de la bourgeoisie qui se défiait autant des « classes dangereuses » que des « classes laborieuses » (sur ce point et dans le prolongement des travaux de Chevalier, voir Harvey 2012 [2003]).
À la violence structurelle qu’exerce la bourgeoisie sur le « petit peuple » de Paris répond en reflet la violence factuelle des marginalisés. Face à la recrudescence des crimes et délits, certains chansonniers poussent l’ironie jusqu’à conseiller aux défenseurs de la loi d’afficher sur les murs parisiens la mention « interdit de suriner » (Mérall et Ryp 1904). Les quotidiens ne manquent pas d’exploiter le filon que constitue l’inflation de ces actes dont les récits les plus imagés recouvrent les pages des journaux du soufre des bas-fonds qui augmente les tirages. Ainsi du Petit Journal, dont le supplément illustré publie nombre de gravures représentant des scènes d’apacherie qui rivalisent de barbarie. Les affrontements avec les forces de l’ordre le disputent aux règlements de compte et autres vengeances. Comme celle d’un Apache connusous le nom de Marchais et qui, à l’abri d’un terrain vague du boulevard de la Chapelle, s’est fait justice en mutilant son rival, auquel il a tranché le nez après que ses acolytes l’ont maintes fois suriné (figure 2).
De telles scènes ne font pas que choquer les « bonnes mœurs ». Présentée comme particulièrement « sauvage », leur violence apparaît, dans toute son illégitimité, comme une offense doublée d’un défi lancé au monde civilisé. Plus encore que d’autres quotidiens, Le Matin mène une véritable campagne contre ce « péril apache ». En décembre 1900, Henry Fouquier y dénonce le danger incarné par ces « jeunes hommes pâles à rouflaquettes », dont « les hauteurs de Ménilmontant sont les Montagnes-Rocheuses » (Fouquier 1900). La référence cardinale de Fouquier étant la famille bourgeoise, ses valeurs et ses principes, il est convaincu que les honnêtes ouvriers doivent s’y conformer sous peine de voir leur progéniture livrée à ellemême et glisser aussi vite que sûrement vers ces « classes dangereuses » dont les Apaches ne seraient jamais que l’une des dernières incarnations. S’ajoutent à son analyse quelques principes inspirés de la vulgate criminologique du moment. La crainte d’une « dégénérescence de la race », dont ces malandrins seraient le signe avant-coureur, porte la marque d’un Cesare Lombroso, tandis que l’on reconnaît l’influence de Gabriel Tarde dans l’idée des imitations malsaines qui les entraîneraient les uns les autres vers les abîmes antisociaux (à propos de ces idées fondatrices d’une criminologie où s’affrontaient les explications biologiques et sociales, voir Nye 1976). Le ton est donné : celui d’un conservatisme dont les principes s’égrènent tout au long des chroniques apaches publiées par la presse et relayées par les feuilletonistes, dont Jules de Gastyne présente un archétype (figure 3).
Dans son édition du 30 septembre 1907, Le Matin publie un article anonyme qui dresse un énième portrait des « Peaux-Rouges de Paris ». Il actualise le tableau des « signes distinctifs » qui ne doivent pas manquer d’alerter les honnêtes gens. Car, comme ces derniers, « messieurs les Apaches ont leurs modes. » Et le journaliste de poursuivre en indiquant que :
Leur coiffure est toujours une casquette — une « deffe », pour employer le terme d’argot qui désigne cettepartie du vêtement. [...]Les cheveux, coupés en ligne droite au-dessus du cou, toujours soigneusement lissés etpommadés, sont ramenés en « accroche-cœur» — en «guiches », c ’est le terme argotique — sur les tempes, au niveau de la partie supérieure de l’oreille. Sous le veston, deforme quelconque (il est souvent remplacépar un bourgeron bleu), la chemise apparaît, sans col ni cravate. La coupe du pantalon — du « bénard » en argot du « Sébasto » [i. e. le boulevard de Sébastopol] — varie [...] suivant la mode. Tantôt lepantalon sera droit, tantôt taillé « à la hussarde » [i. e. ample aux cuisses, étroit aux chevilles] ou en «pattes d’éléphant ». [.] Mais, tandis que le veston et le pantalon sont le plus souvent sordides et rapiécés, les chaussures seules sont de coupe impeccable. C’est dans la chaussure que l’Apache met toute sa coquetterie ; c’estpour acquérir la paire defines bottinesjaunes qui luipermettra de ne pas être confondu par les siens avec l’honnête travailleur, trop méprisable à ses yeux, que bien souvent lApache du «Sébasto » attaquera lepassant attardé. [...]Presque tous, à cette heure, portent au-dessus de l’œilgauche, un point bleu tatoué à l’encre de chine.
(Anonyme 1907a, 2)
Achevant par petites touches son tableau périodique des éléments qui constituent les formules de l’ostentation apache, l’article conclut à une véritable « franc-maçonnerie du crime » dont il établit une cartographie ; autant d’endroits de la ville où la vigilance doit être exacerbée, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement à éviter (figure 4). Tel qu’il apparaît aux marges et dans les interstices de la ville, l’Apache parisien incarne la magie louche et tout le fantastique social dont la bourgeoisie l’entoure comme pour conjurer ses peurs ; notamment celle de tous ces refoulés de la modernité, qu’elle a exclus du centre de la capitale et qui, depuis leurs bases de repli aux entours de Paris, reviendraient la menacer dans le silence inquiétant de la nuit ...
Aux images publiées dans les colonnes de la presse s’ajoutent celles qui sont gravées sur pellicule. En la matière, Ferdinand Zecca a sans doute signé le premier film dédié aux apacheries (Zecca 1905). Peinte par Cândido Aragonez de Faria, l’affiche annonce le contenu de l’œuvre (figure 5). Elle se présente comme une succession de tableaux censés offrir une analyse circonstanciée des manières d’opérer et, donc, de détrousser les bourgeois à la faveur de la nuit, dans la zone interlope des fortifications de Paris (à propos de cette dernière, voir Beauchez 2022). Pilier de la maison Pathé, Ferdinand Zecca était sans doute moins soucieux des aspects artistiques que du potentiel commercial de ses réalisations ; ainsi avait-il développé un certain goût pour les histoires de crimes et de « bas-fonds ». Il en exploitait volontiers les stéréotypes, que les « écrivains de la Butte » (Montmartre) se sont employés sinon à déconstruire, du moins à complexifier. L’un des meilleurs exemples en la matière est sans doute celui de Francis Carco, dont la plume s’est appliquée à suivre les gestes comme les péripéties quotidiennes de toutes ces « pègres » parisiennes qui l’ont inspiré jusqu’à (re)composer la légende urbaine du « milieu » et de ses bandes.
Le premier roman écrit par Carco sur le sujet est Jésus-la-Caille (Carco 2004 [1914]). S’il paraît en 1914, à la veille de la Grande Guerre, le décor montmartrois est celui de la décennie 1900. Il campe les personnages d’un drame qui mêle « mauvais garçons » et « mauvaises filles » sur fond d’amours tarifées ou interdites (bien qu’il soit en ménage avec une prostituée, Jésus-la-Caille est un jeune homosexuel dont les pratiques sont alors passibles de prison). Racontés par Carco, « julots », « gigolos » et « gigolettes » incarnent la distance, mais aussi les frottements aux lois dont la définition oscille entre le code de la rue et celui des bourgeois. Tandis que la défense du second est confiée à la police, laquelle exerce sa violence en toute légitimé, l’observance des règles non-écrites que suppose le premier donne lieu à toutes sortes d’interprétations et de trahisons. Elles assurent les rebondissements d’une intrigue qui fait ressortir les différents aspects des violences auxquelles les plus marginalisés sont exposés ; aussi bien structurelles que factuelles, toutes composent le quotidien de ces bandes que Carco décrit également dans L’Equipe, son Romandesfortifs (Carco 2004 [1919]). Publié en 1919, il livre un accès à la mémoire de ce « peuple de l’au-delà » (au-delà du centre bourgeois comme de sa loi) qu’abritaient nuitamment les fortifications de Paris, dont le démantèlement débute au mois de mai de la même année. De sorte que les apacheries prennent littéralement corps et s’animent par la verve de Carco, expert en argot et mémorialiste des « bandits de Paris » (figure 6).
C’est toutefois au réalisateur Jacques Becker que revient l’inscription définitive des Apaches dans une geste criminelle gravée sur pellicule. Érigé au rang de classique du cinéma français, son film Casque d’or date de 1952. Mais, comme dans les romans de Carco, l’action se déroule un demi-siècle plus tôt. Elle présente le personnage central de Marie (Casque d’or), campé par l’actrice Simone Signoret et directement inspiré de la vie d’Amélie Élie, une jeune prostituée dont les journalistes ont fait une « reine Apache » de la Belle Époque (Becker 2008 [1952]). Entre 1901 et 1902, la véritable Casque d’or (un surnom que lui vaut son abondante chevelure blonde) est l’enjeu d’une rivalité dont les épisodes s’écrivent à la pointe du couteau. Amante du souteneur Joseph Pleigneur, dit « Manda », elle entretient également une liaison avec Dominique Leca, dit « le Corse ». Le Tigre et Coquelicot, un roman publié par Paul-Henry Hirsch en 1905, compte parmi les premiers à s’inspirer de cette vendetta faubourienne dans l’idée de peindre un portrait naturaliste de ses personnages (l’ouvrage est dédié à Buffon). Parce qu’il ambitionne d’atteindre la « vérité » des styles de vie qu’il décrit, Hirsch s’exprime lui aussi dans cet argot parisien dont l’articulation à une prose plus littéraire aurait été un modèle pour Carco (Hirsch 1905). On notera par ailleurs qu’un Dominique Le Corse tient l’un des rôles principaux dans l’intrigue de Jésus-la-Caille. Les chroniqueurs insistent volontiers sur ces surnoms pittoresques qui ajoutent à l’empreinte des faubourgs dont leurs textes marquent ceux qu’ils dépeignent en Apaches, à l’instar de Manda et Leca. Tels que les journalistes les décrivent, ce ne sont jamais que deux roitelets des quartiers mal famés qui se disputent une grue au cours d’une suite d’altercations dont les faits divers puis les drames font les choux gras de la presse.
Au travers du corps de la jeune femme que chacun se targue de posséder, c’est l’incarnation de la chefferie et d’une certaine idée de la puissance masculine qui sont en jeu. La partie se livre à coups de surin et de revolver. Elle mènera les deux rivaux des pavés parisiens aux fers de Cayenne, où ils purgeront leur peine au bagne : une condamnation à perpétuité pour Manda, libéré au bout de vingt ans, contre huit pour Leca, tué lors de son évasion. D’innombrables articles de journaux, des pièces de théâtre et des chansons de cabaret - comme celle que Marguerite Rhé-Hall interprète au Bruyant Alexandre (1902) - colportent les actes de ce vaudeville marginal qui érige Casque d’or en Hélène du ruisseau. Sa célébrité ne durera qu’un moment : celui qu’il aura fallu pour que sèche le sang de cette chronique apache qui avait fait les gorges chaudes du tout-Paris3. Après les condamnations de Manda et de Leca, Amélie Élie a livré un récit biographique à la revue Fin de siècle. L’historien Quentin Deluermoz l’a intégralement réédité et mis en regard d’un second témoignage : celui d’Eugène Corsy, membre des forces de l’ordre traumatisé par la mort d’un collègue en 1905, lors d’une rixe avec des Apaches (Deluermoz 2008). Ce type d’affrontement compte parmi les thèmes de prédilection des gravures publiées par Le Petit Journal. Elles figurent l’Apache iconique dans un face-à-face sanglant avec l’ordre et ses représentants qu’il n’hésite pas à défier au grand jour, en plein Paris (figure 7).
Après avoir creusé la veine du fait divers jusqu’à épuisement, Victor Moris-Voillemier - l’un des échotiers du Matin qui, en 1900, se sont érigés en chroniqueurs des apacheries parisiennes - s’est efforcé de se refaire un nom en expliquant comment il avait « créé les Apaches ». Ses premières déclarations à ce sujet dateraient de 1923 (Anonyme 1934, 434). Des doutes ont cependant été émis bien plus tôt par certains satiristes tels que Max et Alex Fisher, qui écrivent dès 1903 dans Le Rire qu’en dépit de tous leurs efforts, ils n’ont jamais pu voir un Apache de près dans les rues de Paris ; aussi ajoutent-ils qu’il aurait peut-être fallu les doter d’uniformes, de sorte à ce que leurs différentes « tribus » - celles de Belleville, Charonne ou Ménilmontant - puissent apparaître aux yeux des passants sur lesquels pèserait la menace de cette « violence sauvage » si difficile à repérer (Fisher et Fisher 1903). Un conseil suivi à sa façon, et du bout du crayon, par le dessinateur Louis Malteste qui a établi les portraits-robots des Apaches selon leurs quartiers d’appartenance. À défaut de « Peaux-Rouges » bien visibles au détour des rues parisiennes, c’est leur représentation iconique qui a pallié les manques du réel en leur conférant les accents d’une certaine réalité ; augmentée par le fantastique social et tout l’artifice de ses récits, elle a fait exister les Apaches sur le papier (figure 8).
En dépit de tous les doutes qui ont pu être émis auparavant, ce n’est qu’au tournant des années 1930, à la faveur d’un intérêt renouvelé pour les littératures de fait divers - représentées par Détective ou Police Magazine - que le mythe de la sauvagerie des plaines faubouriennes de Paris est explicitement défardé. Parmi d’autres, André Charpentier endosse les habits du démystificateur bien renseigné. Dans l’almanach 1930 du magazine Détective, il publie un article censé déconstruire la supercherie en faisant apparaître les motivations de ceux qui l’ont montée : Morris-Voillemier et un petit fonctionnaire de police. Tandis que le second rapportait au premier des faits criminels avérés, mais somme toute banals, leur description était sans cesse amplifiée par le journaliste qui aurait eu l’idée de les marquer d’une seule et même signature permettant de tous les relier : celle des « Apaches de Belleville ». Casque d’or, Manda et Leca n’ont pas tardé à les incarner. À leur corps défendant, puisqu’ils ne se seraient jamais reconnus dans cette appellation fallacieusement indianisée (Charpentier 1930, 36-37).
Alors qu’ils évoluaient au quotidien entre les Halles et les quartiers périphériques de Paris, la grande Mélie (son véritable surnom avant que la presse ne la réinvente en « Casque d’or »), Manda, Leca - et tous les autres qu’ils en sont venus à emblématiser - participaient assurément de cette pègre faubourienne dont l’apacherie a désigné l’altérité teintée de sauvagerie. Comme tous les labels infamants, la (dis)qualification apache leur a été imposée de l’extérieur par ceux qui n’ont jamais vu en ces gens-là qu’un énième avatar des « classes dangereuses » : celles dont la violence - toujours perçue comme illégitime et dénuée de sens - constitue une menace pour l’ordre civil, comme les menées des tribus indiennes auraient mis en péril l’ordre civilisé. Question de point de vue. On peut s’en effrayer et, dans le même temps, saisir le potentiel lucratif de cet effroi dont les profits - médiatiques et politiques - sont tirés par ceux qui en tiennent les contes. Aux journalistes il fallait, en 1900, ajouter quelques chansonniers. Les pages qui précèdent ont déjà présenté l’un des plus célèbres. Drapé dans son costume de scène évocateur des faubourgs autant que l’argot dont sa bouche était pleine, Aristide Bruant personnifiait une sorte de théâtre vivant. Il y donnait sa représentation des marges à un public bourgeois dans le cadre plutôt sécurisé des cafés-concerts montmartrois. S’il glanait ses mots dans la rue, auprès de celles et ceux qui lui fournissaient le matériau brut de ses couplets, l’emprunt se doublait d’une plus-value. En plus des mots d’argot, Bruant prenait un pouvoir : celui de nommer, puis d’interpréter toutes ces marges sulfureuses - les « fortifs » et la « pègre » des faubourgs - dont il s’appropriait les langages autant que les histoires. Il en a tiré les profits du personnage authentiquement parnassien qu’il a confectionné en frottant son habit aux pavés. Une patine qu’il n’a cessé de travailler au contact de ceux qui connaissaient réellement les codes de la rue pour y avoir vécu. Ainsi l’affiche de son « grand roman » sur les « bas-fonds de Paris » le présente-t-elle en éclaireur des marginalités, dont la lanterne révèlerait une vérité jusque-là maintenue dans l’obscurité ; il y a là un certain sens de la nuit et de son commerce ... (figure 9).
Sans doute peut-on en dire autant de la génération d’artistes suivante : celle des « écrivains de la Butte » qui fréquentaient le Lapin Agile, ce cabaret où l’on trouvait Pierre Mac Orlan, Francis Carco et bien d’autres parmi les souteneurs, les « gigolettes » et les « gigolos ». Paris la nuit, ses Apaches et leurs « filles » leur ont ouvert les portes d’une perception souterraine : celle d’un underground urbain dont ils sont devenus les traducteurs et les interprètes auprès d’un public élargi. Certes, l’intention d’une telle traduction se différencie de celle des journalistes à sensation. Pour ne citer que son exemple, Carco cherchait avant tout à « écrirevrai », dans le même temps qu’il avait de la considération pour ce peuple des marges dont il avait appris à parler la langue et observer les gestes tel un ethnographe (sur ces aspects d’une œuvre littéraire enracinée dans l’expérience des marges, voir Piantoni 2022). S’il montrait la violence et certains aspects « sauvages » des mondes interlopes, c’était moins pour les fustiger que pour en faire ressortir la complexité ; celle-là même dont le sensationnalisme journalistique évite de s’embarrasser, préférant le manichéisme bien tranché au clair-obscur des discours plus contrastés.
Il n’en reste pas moins qu’on peut lire Carco contre lui-même, en le rapprochant des fustigateurs de la marge qui en ont montré les procès pour mieux les instruire à charge. Car la langue de Carco, qu’il emprunte à la rue comme Bruant avant lui, peut être trahie dans son expression : celle d’une marginalité dont on ne retiendra dès lors que la rudesse de ton, le récit des violences et, finalement, la « sauvagerie ». Ne l’a-t-on pas souvent prêtée à l’Apache iconique, dont le portrait-charge s’est étalé en première page des journaux ? Son visage s’est alors ajouté à la galerie des clichés représentant les « sauvages de la civilisation ». Comme les « classes dangereuses » dont elle est une variation, l’expression a été forgée au milieu du XIXe siècle. On ne sait pas qui, d’Alfred Delvau ou d’Alexandre Privat d’Anglemont, en a été l’inventeur (sur ce point, voir Beauchez 2022, 19-23 et 75-77). Toujours est-il que tous deux ont joué de la même ambiguïté : partant d’une affinité élective pour les marginalisés, ils ont cherché à dénoncer la violence de leur mise au ban en détournant de son premier usage toute la brutalité d’une expression qui les plaçait hors du monde « civilisé ».
Les « sauvages de la civilisation » constituent sans aucun doute une expression datée, tout comme le sont ses déclinaisons apaches dont cet article a réuni et analysé les archives. Mais il en va autrement des questions que ces matériaux continuent de poser aux marges de nos sociétés. Il s’agit moins d’y répondre que de les poser en ouverture à autant de recherches futures. Car les apacheries, leurs récits et leurs clichés permettent de déceler dans le passé les indices d’une forme de rémanence. En effet, si l’ensauvagement des altérités qui dévient de la norme majoritairement acceptée s’exprime et s’incarne différemment au fil du temps, il ne cesse pourtant de réapparaître tel une scansion du contrôle social qu’il faudrait exercer sur celles et ceux qui semblent toujours échapper. Parce qu’on ne les comprend pas plus qu’on ne les entend. La rémanence résiderait alors dans cette sempiternelle question que posent le hors-norme, le hors-lieu, le hors-la-loi et ceux qui les incarnent à un ordre social dont les visages comme les traitements de la transgression ont toutes les chances de présenter d’importantes variations. Ou peut-être pas tant que ça. Parce qu’il se pourrait aussi bien que l’essentiel des réactions sociales à la déviance d’une minorité rétive se dessinent autour de quelques thèmes récidivants. Comme celui de l’ensauvagement qui, d’une manière ou d’une autre, ne laisse pas de ressurgir dans les discours - politiques, journalistiques - dès lors qu’il est question de la sécurité des populations menacées, ou effrayées par leurs marges déclarées inciviles, pour ne pas dire incivilisées. Si les Apaches parisiens en sont une incarnation au tournant du XXe siècle français, ils sont aussi le produit de cette violence structurelle que leur quotidien traduit en affrontements factuels qui les opposent entre eux aussi bien qu’à la loi.
Une gravure parue le 27 janvier 1907 à la une du Petit Journal condense cette double opposition en une seule image. Elle représente deux Apaches - Jean Jauvenin et Alphonse Bouillet - réglant leurs comptes du côté de Grenelle (dans l’ouest parisien) en présence des agents de police s’efforçant de les appréhender. Tout juste sorti de prison, Bouillet venait de révolvériser Jauvenin qu’il tenait pour un indicateur et considérait donc comme le principal responsable de ses deux années de détention. Alors qu’il était aux prises avec les gardiens de la paix, le tireur a reçu le coup de grâce de sa victime, jetant ses dernières forces dans l’attaque au couteau qui lui a permis d’enfoncer sa lame entre les omoplates de son bourreau. Les agents de police en ont été réduits au rôle de témoins impuissants à endiguer l’application du code de la rue, lequel a fait force de loi, de jugement et d’exécution de la sentence en lieu et place des tribunaux. À la rationalité d’une loi instituée qui n’a pas pu s’appliquer, celle des Apaches a été rangée par le descripteur de la scène sous la catégorie de ces vendettas faubouriennes que leurs protagonistes mèneraient avec une « véritable fureur de sauvages » (Anonyme 1907b : 2). Ainsi l’Apache iconique apparaît-il une fois de plus à l’ombre des réverbères comme celui par lequel le crime et ses atrocités arrivent ; autant de scandales exacerbés par le fantastique social des récits et leurs clichés. Ceux-ci concentrent toutes les attentions sur la « sauvagerie » qu’ils mettent en scène, plutôt que sur les motifs profonds d’une violence qui n’ont pas à être expliqués puisque les coupables sont tout trouvés, les armes à la main (figure 10).
Tandis que les médias et les politiques insistent volontiers sur le récit des crimes et les propositions de châtiment - d’aucuns parmi les plus conservateurs recommandent par exemple de donner le fouet aux Apaches (e. g. Brieux 1910) -, bien peu se risquent à faire le lien entre les différents aspects d’une violence qui trouve son origine dans la dureté des conditions d’existence réservées aux groupes marginalisés. Cet article la fait apparaître au travers des représentations que la presse et la culture populaire parisiennes ont pu donner des « classes dangereuses » au tournant du XXe siècle. Si cette dureté ne dédouane pas les soi-disant Apaches des brutalités qu’ils ont perpétrées, elle peut en expliquer l’origine plutôt que de l’attribuer au prétendu « caractère vicieux » d’une jeunesse aussi « dépravée » que « perdue ». De ce point de vue, les chroniques apaches ne sont qu’un début. Car l’ensauvagement des marges urbaines - faubourgs ou banlieues - a perduré bien au-delà de Paris 1900 ; en témoigne, au tournant du XXIe siècle, la résurgence du débat polémique autour des « nouvelles classes dangereuses » et de la « violence des bandes » issues des banlieues de Paris ou d’ailleurs (e. g. Beaud et Pialoux 2003 ; Mohammed et Mucchielli 2007). Un siècle plus tôt, les Apaches les précédaient au rang d’icônes de la culture (im)populaire ; autant de visages patibulaires qui, gravés sur le papier ou chantés dans les cabarets, piquaient la curiosité d’une bourgeoisie ravie de s’en effrayer à distance de sécurité. C’est au nom de cette dernière et de sa préservation qu’on a pu justifier tous les discours d’éradication de ces « sauvages de la civilisation ». Il n’en reste pas moins que les clichés associés aux Apaches de Paris ont montré, dès le début du XXe siècle, comment la violence prêtée aux groupes marginalisés peut servir à cacher celle qu’on leur fait. Ainsi retourne-t-on les paniques morales en raisons d’agir contre ceux qu’elles constituent en ennemis publics ; un levier que les clichés criminels - ceux que présente cet article et bien d’autres - permettent d’actionner avec une redoutable efficacité.
Jérôme Beauchez ® Sociologue et anthropologue, Jérôme Beauchez est professeur à l’Université de Strasbourg et directeur du Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles - LinCS, UMR 7069. Il est également research fellow à l’Institut d’études avancées de l’Université de Strasbourg - l’USIAS -, où il poursuit son programme de recherche sur les expériences et les traitements de la marginalité (2019-2023). Ses articles les plus récents ont été publiés dans Ethnologie française, Ethnography, le Journal of Contemporary Ethnography, ou encore The Sociological Review. Son dernier ouvrage est paru en 2022 aux Éditions Amsterdam (Paris) sous le titre Les Sauvages de la civilisation. Regards sur la Zone, d’hier à aujourd’hui.
j.beauchez@unistra.fr
Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles — LinCS, UMR 7069
Maison interuniversitaire des sciences de l’homme d’Alsace
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Une telle façon de faire s’inspire notamment du texte programmatique dans lequel Hayden White appelait à mettre les sources écrites de l’historiographie au regard des sources visuelles – images et films – dont il a désigné le traitement sous le nom d’« historiophotie » (White 1988).⬑
Je dois à Elijah Anderson d’avoir été rendu attentif à cette fonction symbolique des icônes dans les processus de criminalisation, qu’il a lui-même étudiés au fil de ses recherches sur les ghettos noirs aux États-Unis (voir en particulier Anderson 2012).⬑
En la matière, le procès de Manda, jugé en cour d’assises à Paris les 30 et 31 mai 1902, constitue une sorte de climax. Gil Blas, La Fronde, Le Matin, La Presse, Le Radical, Le Rappel et bien d’autres journaux dépêchent leurs envoyés spéciaux.⬑